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mardi 28 juillet 2009

Journal de route d’un combattant de la guerre 14-18 : N° 3 - La Champagne -





Suite du journal de route de mon grand-père avec la 3ème Partie : 
« La Champagne »



3 septembre 1917
 
Après avoir quitté le front de Verdun par la route, et être montés par Somme-Tourbe puis Laval-sur-Tourbe, nous sommes arrivés sur les routes interminables de la Champagne pouilleuse , blanche de craie et dénudée, où ne poussent que quelques ronces, sous une chaleur intense. ( Champagne pouilleuse
parce qu'il y poussait du serpolet -dit pouillot ou pouille en Champenois ).
Nous sommes arrivés à Perthes-lès-Hurlus –quel nom fameux !...héroïque !... Nous nous ravitaillons en madriers, planches, pelles, pioches et repartons en ligne pour nous trouver entre Tahure (en 1950 la commune de Tahure fut officiellement supprimée, et son territoire rattaché à la commune voisine de Sommepy, qui prit alors le nom de Sommepy-Tahure pour perpétuer la mémoire du village disparu) et Maisons de Champagne. 
Nous sommes dans un ravin, près d’un petit cimetière allemand. Il fait une chaleur épouvantable et il n’y a pas d’eau. Il faut faire des kilomètres pour remplir les bidons, et nous travaillons à construire des plates-formes pour y mettre nos pièces, à faire des tranchées, des gabions avec des branchages ,remplir les sacs de terre, car la terre est mouvante et s’écroule en peu de temps.
Nous avons une soif terrible et nous buvons notre urine, car l’ennemi n’est pas loin, et nous voit. C’est terrible d’avoir soif !...

 
A la nuit, avec deux camarades, nous sommes partis pour trouver de l’eau. Nous avons pris tous les bidons que nous avons pu emporter ; nous sommes revenus vers 1h du matin, après être partis à 20h ! Car au point d’eau, nous n'étions pas les seuls ,il y avait beaucoup d’autres camarades d’autres armes qui étaient venus comme nous se ravitailler en eau.




4 septembre 1917

Je suis allé en reconnaissance à un observatoire avec le lieutenant, un sous-lieutenant et le commandant Chavannes, avec mon téléphone sur le dos et 2 kilomètres de fil électrique (petit calibre). Nous nous sommes terrés dans un abri depuis lequel nous voyions très bien les Allemands. Nous nous parlions par gestes, car il ne fallait pas « causer », les Allemands étant trop près de nous. Après 2 heures d’observation, les officiers sont partis seuls, et je suis rentré à pieds au milieu de la plaine, en pleine nuit. Je me suis couché exténué de fatigue et me suis mis à l’abri sous un caisson d’obus pour dormir.
-Je n’ai pas trouvé de notes pour le 5 septembre 1917 , jour de l'anniversaire de mon grand-père : il a eu 19 ans ce jour là , drôle d’endroit pour « fêter » son anniversaire quand on a 19 ans -


6 septembre 1917

J’ai été envoyé par le lieutenant Desfrancs en reconnaissance cette nuit .Il m’a montré la carte d’état major, m’a donné sa boussole, une lampe électrique et un pli à remettre à un officier d’artillerie commandant un groupe de 75 que nous devions relever la nuit suivante. 

Il me fallait donc trouver l’endroit exact de cette batterie et examiner le chemin pour nous y rendre avec notre batterie. J’ai trouvé cet endroit à 10h du soir, j’ai été aidé par une belle lune qui éclairait la plaine. Je suis revenu assez fatigué de ce voyage, l’endroit était à 5 kilomètres de nos positions, cela faisait donc 10 kilomètres aller et retour, à pieds et dans de mauvaises conditions. Heureusement, j’ai repéré un peu d’eau que j’ai pu boire dans un tonneau alimenté par un filet d’eau.
Comme je l’ai dit plus haut, la nuit suivante, j’ai dirigé notre colonne d’artillerie, et à peine arrivés sur nos nouvelles positions, nous avons commencé à mettre nos pièces en batterie et avons déchargé 6000 obus. Tout le monde a prêté main forte, les sous-officiers, les infirmiers, les brancardiers eux-mêmes, car il s’agissait de détruire le plus rapidement possible les ouvrages qu’avait construits l’ennemi depuis plusieurs semaines. Concernant une attaque par les gaz, le lieutenant nous informe qu’il faut détruire ces ouvrages, faire rater l’attaque, tirer nos 6000 obus, et que nous serons relevés.


7 septembre 1917
 
Au petit matin, nous lançons sur l’ennemi un ouragan d’obus (8 coups par pièce à la minute).Nous sommes « sur les nerfs », avons enlevé notre veste, notre chemise. Toutes nos pièces crachent le feu, c’est un bruit infernal ! Les pièces rougissent à tel point que les gueules des canons sont arrosées de seaux d’eau régulièrement (il y a une mare près de nous) .Au loin, c’est un nuage de poussière et de fumée qui s’élève.Tout saute chez l’ennemi, des dépôts entiers de munitions, de gaz, quel travail !...Nous tirons, tirons jusqu’à épuisement de nos munitions.
Les Allemands ont été surpris, c’est le grand désarroi chez eux. Ils n’ont pas pu nous répondre. Notre lieutenant a tenu parole et, notre travail étant terminé, nous repartons vers d’autres destinations, après être restés 6 jours sur cette position, en cas de réaction de l’ennemi.
En redescendant, nous avons rencontré le 134è d’infanterie. Il pleut cette fois, tout le monde est blanc de craie, en haillons, quel tableau pour un peintre !...

Une boue épaisse tient à nos godasses, cela ressemble à de la mayonnaise. Et après quelques étapes et repos dans les bois, nous nous dirigeons vers le sud, c’est-à-dire Suippes.
(De cette destruction des défenses ennemies, pas de citation pour mon unité) 



Pour suivre l’itinéraire, cliquer sur le lien suivant :


La prochaine fois : 4ème partie : "Destination l'Aisne" 



La carte postale date du 17juin 1918 ,il est écrit :
"Allo!Allo!...Un peu de silence là-haut."
Hallo! Silence!! can't hear myself speak.







5 commentaires:

  1. L'attaque du 7 Septembre a apparemment avorté une attaque et donc sauvé la vie de milliers de soldats (des 2 côtés...) ; je me demande s'ils pensaient à des choses comme ça ?

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  2. Oui ,tu as certainement raison ,cela a dû sauver des vies des 2 côtés ! Mais quant à savoir si les officiers et Généraux pensaient à sauver des vies quand ils ordonnaient de telles opérations, c'est très difficile à dire , nous n'y étions pas . J'ai mon opinion là dessus , opinion que mon grand-père n'aurait pas contredite, mais qui n'est peut-être pas l'opinion de tout le monde : je pense qu'une ou des vies sauvées n'avaient aucune importance pour ceux qui donnaient les ordres , et en planifiant ces opérations , ils ne pensaient certainement pas à épargner des vies , mais plutôt à gagner une victoire sur l'ennemi ,à détruire les munitions des Allemands et à regagner le terrain perdu .Les hommes qui se battaient des 2 côtés ne servaient qu'à défendre les intérêts et ambitions de ceux qui avaient décidé cette guerre . Cela a toujours été ainsi depuis que les hommes se font la guerre ,et cela depuis la nuit des temps ;les hommes qui se battent pour leur pays ne sont là que pour servir les intérêts des gouvernements et ne sont que de la chair à canon, j'ai souvent entendu mon grand -père dire cette phrase . Et cela continuera tant qu'il y aura d'un côté ceux qui sont au pouvoir ,qui donnent les ordres et sont les décideurs( en outre de sacrifier des êtres humains au nom de leurs idéaux et trouvent cela normal) et de l'autre ceux qui exécutent les ordres ,c'est à dire les gens du peuple, qui eux ,ont le droit d'être sacrifiés !

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  3. Etant données les "stratégies" de l'epoque, je ne pense pas que leur priorité etait de sauver des vies. En tout cas ils ne lesinaient pas sur les munitions...

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  4. Tahure... Mon arrière arrière grand père est mort sur la bute de tahure le 17 septembre 1917... Il faisait partie du 116e RI de Vannes et il est inhumé à saint jean sur tourbe. Merci pour ce partage c'est comme si je le lisais!

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    1. Merci pour votre témoignage , Anthony ! Votre arrière arrière grand-père et mon grand-père n'ont peut-être pas été très loin l'un de l'autre à un moment donné...

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