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mardi 16 août 2011

Vabaduse laul / The Song of Freedom / Le Chant de la Liberté -Tallinn Lauluväljak- 20 août 2011

Lauluväljak, Tallinn


20 août 1991 - 20 août 2011 : l'Estonie fête ses 20 ans d'indépendance


Dans quelques jours , l'Estonie fêtera les 20 années qui viennent de s'écouler depuis le rétablissement de son indépendance le 20 août 1991, cette indépendance qui est pour elle la deuxième de ce XXè siècle ( la première avait duré de 1920 à 1939).
Lire l'Histoire de l'Estonie pour connaître les périodes noires qui ont marqué l'Estonie durant le siècle dernier .

Le "Chant de la Liberté" (Vabaduse Laul en estonien, The Song of Freedom en anglais) qui aura lieu au Tallinna Lauluväljak , est destiné à marquer le 20 è anniversaire du rétablissement de l'Indépendance de l'Estonie ,le 20 août 2011 .

Le peuple estonien célèbre deux évènements importants en cette année 2011:

1) 20 ans ont passé depuis l'Estonie retrouva son indépendance le 20 août 1991.
2) Tallinn ,la capitale de l'Estonie est fière d'être en 2011 la Capitale européenne de la Culture (avec Turku en Finlande) .
Afin de célébrer mémorablement cet évènement ,et afin de montrer la reconnaissance de l'Estonie envers les pays qui avaient reconnu sa  nouvelle indépendance il y a 20 ans ,une  joyeuse et belle fête de concerts " The Song of Freedom " aura lieu le 20 août 
au terrain du festival de chant de Tallinn (Tallinna Lauluväljak).


"Il y a 20 ans , nos parents et nos grands-parents se levèrent et dirent : maintenant , nous prenons de nouveau les rênes,car c'est ce qui doit être maintenant .Il y eut alors des pays qui n'eurent pas peur de nous soutenir ,ni de reconnaître le rétablissement de notre indépendance .
Nous savons maintenant ce qu'est la Liberté ,nous voulons donc dire merci pour ça - une génération qui a grandi dans un pays libre ," dit Jaanus Rohumaa ,gestionnaire du programme de la fondation Tallinn 2011 ,et l'homme qui est à l'origine de " Song of Freedom" .
C'est un pur hasard que Tallinn soit aussi la Capitale européenne de la Culture cette année - cela s'accorde parfaitement . J'espère que nous continuerons à célébrer dans le futur la restauration de notre Etat à travers la musique , dit Jaanus Mutli,membre du conseil de la fondation "Tallinn 2011".

Cet immense évènement qui aura lieu au Lauluväljak  de Tallinn ,mettra en vedette des musiciens de musique rock et pop venant d'Estonie , de Lettonie, de Lituanie , de Finlande , de Suède , de Russie et des invités spéciaux d'Islande .
Le concert gratuit célèbrera le 20è anniversaire du rétablissement de l'Indépendance de la République d'Estonie,et servira de lancement pour l'évènement "Iceland Day"(le Jour de l'Islande) ,le 21 août .


http://www.tallinn2011.ee/_song_of_freedom__to_mark_20th_anniversary_of_restoration_of_estonian_independence

lundi 15 août 2011

Lettre aux Romands : " un regard français sur la Suisse" -Août 1984-


Cet article a été écrit par mon père et publié dans la "Tribune de Genève" le 2 août 1984 (le lendemain de la Fête Nationale Suisse).




"Je devais avoir cinq ans quand pour la première fois ,j'entendis prononcer le mot "Suisse" .C'était à l'église .Je fus impressionné par un colosse portant culotte de soie et bas blancs,coiffé d'un monumental bicorne et frappant de sa canne le sol du temple pour ouvrir la marche du cortège. Plus tard ,à l'école,j'appris que les Soldats suisses avaient défendu la monarchie française chancelante ,préférant se laisser massacrer plutôt que d'abandonner Louis XVI et Marie-Antoinette . J'en fus étonné et souvent ,je regardai dans mon livre d'Histoire ,une estampe illustrant ce fait mémorable .
Vint le difficile tournant de l'an 40 . Alors ,la Suisse retrouva le chemin de notre mémoire . Elle était - personne ne l'ignorait - la patrie d'Henri Dunant et de la Croix-Rouge ,mais elle se parait soudain d'une auréole étincelante : celle d'un pays libre où il n'y avait ni armées étrangères ni gestapo .La Suisse fut comblée de bénédictions par les Français persécutés et affamés .
La paix revint et j'eus la chance de faire un court voyage à Lucerne et à Engelberg ,un an après la fin des hostilités . J'y passai une agréable semaine dans la montagne ,au milieu de gens paisibles . Depuis ,je suis retourné fréquemment en Suisse où j'ai des attaches familiales .J'ai parcouru le pays en tous sens et découvert ses paysages ,ses peuples et ses cultures .
Cela dit ,je voudrais vous dire ,amis romands ,sans rudesses ni flatteries,comment je vous vois . Il est possible que je me trompe . Ne m'en veuillez pas ! Je n'ai pas l'intention de "barjaquer" !

"La vigne réjouit votre conversation" !

Vous m'avez dérouté quand je vous ai entendus parler de "chenit" ,de "matu" ou de "panosse" . Pourtant ,je me suis dit que ce vocabulaire (nouveau pour moi) enrichissait notre langue . J'ignore ce qu'en pensait Voltaire quand à Ferney ,il écoutait ses paysans et ses serviteurs . Peut-être se bouchait-il les oreilles de peur d'employer quelque helvétisme à son insu ?
Ce qui surprend aussi ,c'est votre intonation,le rythme du discours ponctué de points d'orgue .Quand les Parisiens affirment que les gens des provinces situées au sud de la Loire ,chantent en parlant ,je crois qu'ils pourraient vous inclure vous aussi ,dans le domaine de la francophonie musicale .Vous êtes presque aussi méridionaux que les peuples de langue d'oc . D'ailleurs,le canton de Genève n'est -il pas compris dans les limites du franco-provençal ?
C'est peut-être la vigne qui réjouit votre conversation? Buveurs de vin ,Bacchus vous éclaire la voix au souvenir lointain des légions romaines qui plantèrent leurs tentes à Geneva NoviodunumLausonna ,au bord du Léman .
Quand j'observe les vignerons vaudois et les paysans valaisans,je retrouve chez eux la lenteur calculée et le souci de bien faire ,caractéristiques des ruraux de notre vieille Latinité .
Dans son "Analyse spectrale de l'Europe" ,Hermann von Keyserling esquisse un portrait de la Suisse .Mais il ne voit la Confédération qu'à travers les cantons alémaniques .Tout au plus consacre t-il quelques lignes aux "Welches" qui ,pour lui ,sont des "Latins helvétisés".
Pour Keyserling, la Suisse ,c'est avant tout la dominante germanique. Il serait aberrant d'en faire abstraction, mais les éléments romands , tessinois et romanches existent et sont fiers de leur personnalité .Il est aussi incongru de parler de  Suisse "française" que de Suisse "allemande" et il serait bon que nos compatriotes prennent conscience du fait romand comme ils se sont enfin rendu compte qu'il y a un Québec avec ses particularités linguistiques et culturelles .







"Ne seriez-vous pas un peu tatillons ?"

En France,on a parfois tendance à vous tenir pour des nantis ,vivant de l'argent placé dans vos banques Il y a même des écrivains suisses qui accréditent cette idée . En 1951, votre compatriote Paul Golay, dans "Terre de Justice" n'affirmait -il pas : "Ainsi nous sommes devenus le "safe" universel ,le petit coin délicieux ,l'endroit discret et plaisant ,le paradis du vice capitaliste." C'est sans doute vrai à un certain niveau de portefeuille ,mais les placements étrangers n'enrichissent pas le Romand moyen .
Vous n'êtes pas sans défauts et il m'arrive d'être agacé par votre manie du détail . Ne seriez vous pas un peu tatillons ? Tatillons dans le "poutsage"  (vos maisons sont aussi nettes que les bateaux de notre escadre de la Méditerranée),tatillons dans les achats : j'ai souvent observé des Genevoises en train de choisir ,qui une paire de ciseaux ,qui une robe .On tourne,on retourne l'objet en question,on le jauge ,on le pèse ,on le soupèse ,on vérifie soigneusement le tranchant de l'instrument ou la finesse du tissu ,on demande quel usage fera l'acquisition (j'admire la patience courtoise de vos vendeuses) ,on hésite ,on se décide...peut-être avec une pointe de regret?

Les gens sont bien entre eux

Il arrive que l'étranger jette sur vous un regard mi-admiratif,mi-critique. Tel le romancier portugais Fernando Namora   qui vous rendait visite il y a quelque vingt ans (vers 1964)  ,lors d'une rencontre d'intellectuels européens . Dans son livre " Diàlogo em Setembro" (publié à Lisbonne en 1966), il écrivait : "le mode de vie suisse est efficace et civilisé ,mais sans chaleur". S'il est vrai que vous êtes efficaces et civilisés ,je refuse ,pour ma part ,votre prétendu manque de chaleur. Ce n'est certes pas la chaleur provençale ,ce n'est pas l'exubérance napolitaine ni le gestuel andalou . C'est plutôt cette indéfinissable ambiance de vos cafés ,quand ,à la table habituelle ,se retrouvent les amis du village ou du quartier, parlant tranquillement de leurs affaires ,de leurs joies ou de leurs peines . Atmosphère sereine.

Le citoyen-soldat

"Voulez-vous un Suisse heureux ? - interroge Fernando Namora  - Offrez -lui un uniforme . Uniformes ,drapeaux ,fanfares . Et cela dans un pays où la paix a décidé de construire sa demeure ". Il est vrai que l'étranger est surpris de rencontrer, dans la campagne et dans la montagne , des soldats en manœuvre . Dans les vallées ,la pétarade est intense . On voit des militaires attardés , rejoignant péniblement leur cantonnement ,trébuchant sur les pierres des sentiers .

"Chaque citoyen-soldat a chez lui son barda ,son arme de guerre et ses quarante-huit cartouches",écrit Louis-Albert Zbinden ,dans "Suisse" (Editions Odé). Je me suis souvent demandé ce qu'il adviendrait de la paix civile dans un pays autre que la Confédération helvétique,si les hommes en âge de porter les armes gardaient dans le placard familial ,un fusil d'assaut et ses munitions...Je reconnais qu'il faut avoir un esprit civique à toute épreuve pour avoir chez soi ,un tel matériel .

La table suisse

Fernando Namora fait encore une remarque concernant la table suisse : "Comme l'argent n'est pas dépensé en gourmandise ,il fructifie ". Il est indéniable que le repas romand est bon mais sobre . Ce qui étonne les Français ,c'est de n'y point retrouver leur habituelle panoplie culinaire : entrée ,plat de résistance ,salade ,fromage et dessert . En général ,le Romand se contente d'un seul plat ,suivi d'un café . Cette façon de manger a l'avantage de réserver une partie du salaire ainsi épargnée ,à l'achat de biens d'équipements pour la maison,aux voyages et aux distractions.
Par contre ,il semble qu'on ait en Romandie,un goût assez prononcé pour la pâtisserie. Il faut reconnaître que les "pièces" et les gâteaux sont délicieux . Ils sont la perte des étrangères venues des rivages méditerranéens et atlantiques .



Cartes des 26 cantons suisses (cliquez sur les cartes pour les agrandir)





 





Les premiers cantons n'ont obligé personne à les rejoindre .

Quand on regarde une carte de la Suisse ,on se demande comment Alémaniques , Romanches , Romands et Tessinois ont pu coexister . Mais le même problème se pose dans d'autres pays . La Suisse n'a pas connu de terribles problèmes d'unification car les premiers cantons n'ont obligé personne à les rejoindre . C'est sans doute pourquoi les derniers arrivés , "les Genevois ,autant que les Vaudois , les Neuchâtelois et les Valaisans -comme l'écrit L.A. Zbinden -ont pour la Suisse l'amour des néophytes" . En effet ,les Romands sont parmi les derniers à s'être joints aux vieux cantons historiques . Depuis l'aube du 19è siècle ,ils ont apporté à la Confédération un certain esprit frondeur ,de l'invention et une nouvelle manière d'être .
Jacques Alibert

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Certaines choses ont sans doute changé en Suisse depuis 27 ans , mais je pense que la plupart des propos ci-dessus sont encore justes .
Aux Suisses de se manifester s'ils trouvent que j'ai tort :)


Complément : Histoire des Gardes suisses en France



Sources

lundi 8 août 2011

Les bords de Loire en gabare (Tours)

Une gabare devant le Pont Wilson à Tours (photo flickr)


Et la navette va !
Comme chaque année ,de juin à la fin de l'été ,Tourangeaux et touristes vont parcourir en gabare les bords de Loire,avec une nouveauté cette année ,une promenade en amont du pont de fil jusqu'à l'abbaye de Marmoutier .

Les deux embarcadères,financés par Tour(s)plus sont fin prêts. Dès la mi-juillet ,et jusqu'en septembre ,ils permettront d'embarquer pour un nouveau voyage sur la Loire ,en amont, du pied du Château de Tours jusqu'à Rochecorbon,une promenade découverte de 50 minutes agrémentée d'un passage devant l'abbaye de Marmoutier . En aval, depuis la fin mai et comme chaque année,les amateurs peuvent naviguer du pont Wilson à Saint-Cyr-sur-Loire .

12 personnes pourront ainsi embarquer sur une gabare pour découvrir la faune ,la flore des bords de Loire et connaître l'histoire de ces bateaux traditionnels.
L'année dernière,les navettes sur la Loire ont ainsi transporté plus de 1500 personnes .

"Nos passagers sont plutôt des habitants de l'agglo ,amoureux de la nature et soucieux d'environnement . Leurs questions portent souvent sur la qualité de l'eau ,la formation des bancs de sable ...Avec la nouvelle promenade partant du château de Tours ,nous espérons drainer de nouveaux voyageurs qui pourraient ajouter une promenade à la visite d'une exposition ", témoigne Alain Lacroix ,l'un des fondateurs de Boutavant (Association Boutavant , Rond point des Mariniers, 37000 Tours)

Pour terminer,quelques belles photos du "Pont de fil" que j'ai trouvées sur le blog suivant :








Sources :

Aliénor d'Aquitaine ,créatrice des "Corts d'Amor" ("Cours d'Amour")

Un article sur Aliénor d'Aquitaine , écrit par mon père et publié dans le "Journal du Jura" le 4 mars 1985 . 

Le gisant couché en tuffeau polychrome d'Aliénor (à côté d' Henri II ), à Fontevraud : représentée à une trentaine d’années, coiffée de la couronne royale, avec pour la première fois en Occident médiéval le thème de la femme lectrice (lisant probablement un psautier)


Aliénor d'Aquitaine , créatrice des "corts d'amor"


Bien des voyageurs qui font une halte en Poitou ne soupçonnent pas que dans cette région, vécut autrefois Aliénor d'Aquitaine, l'une des femmes les plus remarquables de l'Histoire et de la culture européennes.

Avant l'unité de la France,le Poitou était la partie septentrionale d'un duché qui s'étendait des Pyrénées au nord de l'actuel département de la Vienne .
Au 11è siècle ,la grande Aquitaine fut le berceau d'une civilisation de langue d'oc qui ,pour la première fois ,rendit hommage à la femme, Guilhem IX "le Troubadour" ,grand-père d’Aliénor ,consacra le meilleur de lui-même...aux dames et à la poésie d'amour .
Ce grand seigneur turbulent ,que l’Église excommunia pour sa vie de débauche ,exalta la beauté du corps féminin . Pourtant, ses poésies laissent entrevoir ce que sera l'amour courtois .
Il n'est pas étonnant que sa petite-fille ,influencée par la lyrique de Guilhem IX ,soit devenue ,dans son Palais de Peitùs (Poitiers), la créatrice des "corts d'amor".

D'ailleurs , le Seuil du Poitou -région de passage entre le Nord et le Sud- est soumis à mille influences . Les tribus germaniques y sont arrivées ,alors qu'elles se dirigeaient vers le Midi ,bousculant tout sur leur route . Plus tard ,ce sont les Maures venus tout droit de Kairouan (Tunisie), à travers la plaine de la Mitidja (Algérie) et une Espagne wisigothique en proie aux luttes intestines.
Le Poitou ,par sa fertilité et son climat tempéré ,retient le conquérant qui vient des terres embrumées ou des plateaux désertiques. Nul doute que certains envahisseurs s'y fixèrent ,apportant avec eux de nouveaux modes de pensée. Il est possible que ces visiteurs aient influencé la poésie, notamment les Celtes et les Maures, dont la lyrique glorifiait la femme.

Séduisant Poitou ...

Le climat poitevin et la douceur de vivre contribuèrent aussi à retenir sur cette terre d'autres gens venus du Languedoc ou de Provence. Sillonné de rivières paresseuses ,bordées de rideaux de peupliers limitant des prairies à l'herbe drue ; couvert de forêts entre lesquelles se nichent de paisibles villages ,sous un ciel presque méditerranéen, ébloui par un soleil ardent qui réchauffe les tuiles romaines des villes et des bourgs , le Poitou a séduit le conquérant et le voyageur . C'est la frontière invisible entre deux civilisations , deux arts de vivre .
Au 12è siècle , quand la belle Aliénor devient duchesse d'Aquitaine et reine d'Angleterre par son mariage avec un Plantagenet ,elle transforme le Poitou et sa capitale .
Femme sensible et cultivée ,elle crée des "Cours d'Amour" en son palais,dans cette immense salle dite "Salle des pas perdus" ,où elle attire les plus grands poètes occitans . On peut imaginer la duchesse discutant avec ses dames des mérites de chevaliers sans doute loyaux et vaillants ,mais peu raffinés .Ces "Corts d'Amor" ne sont pas des tribunaux ,mais plutôt d'agréables cénacles dont la renommée va bientôt franchir les limites de l'Aquitaine .


Palais des Comtes de Poitou et des Ducs d'Aquitaine à Poitiers



Aliénor ne prétend pas changer la société ,mais affiner les mœurs masculines avec la complicité de troubadours tels que Marcabru , Bernard de Ventadour (on dit qu'il fut l'amant de la duchesse) qui aurait voulu devenir hirondelle pour voler ,le soir ,jusqu'à la demeure de sa maîtresse, Jaufré Rudel -prince de Blaye- ,et bien d'autres encore .

Au 12è siècle , la cour de Poitiers est le point de départ d'une évolution qui ouvrira d'immenses possibilités à la femme et qui fera d'elle un être à part entière .
Aliénor est aussi une urbaniste et une politique . Elle trace de nouvelles voies dans sa ville de prédilection, fait embellir les monuments et accorde des franchises à la bourgeoisie ,force montante .
Un vitrail de l'Hôtel de Ville de Poitiers rappelle cet important évènement qui la représente donnant une charte à ses Poitevins.
Elle aime à parcourir la campagne proche ,flânant sur les chemins et dans les bois où courent cerfs ,biches et chevreuils, s'arrêtant parfois pour parler avec les paysans ,répétant peut-être les vers de Guilhem IX ,quand dans les premiers jours du printemps,la terre retient ,jusqu'aux dernières heures de la matinée, une brume légère ...

"Ab la dolchor del temps novel
Foillo li bosc ,e li aucel
Chanton chascus en lor lati..."

Jacques Alibert



dimanche 7 août 2011

Saaremaa robirohi / Saaremaa Yellow Rattle / Rhinanthus osiliensis , la petite fleur rare de Saaremaa (Estonie)

Saaremaa robirohi (Rhinanthus osiliensis) - Saaremaa Yellow Rattle



Rhinanthus osiliensis est une petite fleur rare qui pousse au printemps dans les marais de l'île de Saaremaa.
On ne trouve "Saaremaa robirohi "( Rhinanthus osiliensis) que sur l'île de Saaremaa , dans la réserve naturelle du Viidumäe. C'est le seul endroit au monde où elle pousse .



Brève description de Saaremaa

La plus grande ile estonienne est la deuxième de la Baltique après Gotland (Suède). Saaremaa a su par son isolement préserver son caractère particulier et son environnement.La période soviétique avait fermé l'ile aux visiteurs en raison de sa proximité avec l'Ouest.

Saaremaa est différente du reste du pays avec ses toits de chaumes, ses murets de pierres le long de chemins, ses moulins, le genévrier, la dolomite et aussi la bière locale encore brassée dans certaines fermes.

Grâce à son climat maritime plutôt doux et la variété de ses sols, Saaremaa possède une flore très riche, comprenant 80% des espèces particulières de l’Estonie. On trouve quelques 1200 plantes différentes à Saaremaa, dont environ 120 bénéficient d’une protection spéciale. La plus célèbre est la Rhinanthus osiliensis,une petite fleur rare qui pousse au printemps dans les marais.
Les forêts représentent plus de 40% de l’île.








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samedi 6 août 2011

Théophraste Renaudot , "père" du journalisme moderne

A suivre , un article écrit en 1985 par mon père et publié dans le "Journal du Jura" (Bienne- Suisse ) le 16 septembre 1985 . 


La statue de Théophraste Renaudot dans sa ville natale , Loudun


Théophraste Renaudot : "avant tout au service des malheureux"


Rien ne prédisposait ce fils de riche famille protestante à devenir journaliste . Né en 1586 à Loudun, aux confins de l'Anjou, du Poitou et de la Touraine,il sera d'abord attiré par la médecine. Il ira donc étudier à la Faculté de Montpellier où il obtiendra le titre de Docteur. Désireux de compléter sa formation médicale ,il voudra s'inscrire à la Faculté de Paris ,mais le fait d'appartenir à la religion réformée lui en fermera les portes .Nullement découragé , Renaudot s'inscrira au collège parisien de Saint-Cosme pour perfectionner ses connaissances en anatomie .
Ses études achevées,il rentrera à Loudun ,alors place de sûreté protestante ,pour y exercer son art. Il y épousera en 1609 ,l'héritière d'une riche famille calviniste .
Renaudot mènera dès lors une paisible existence provinciale consacrée à la médecine et à des recherches sur les propriétés des simples ( en phytothérapie ,les plantes les plus courantes sont appelées "les simples") .En 1619 ,en collaboration avec un apothicaire loudunais, Jacques Boisse,il mettra au point un nouveau médicament , le Polychreston (premier médicament avec posologie et mode d'emploi ) ,qui contribuera à accroître sa renommée.
Bref ,Renaudot ,en sa bonne ville de Loudun,mènera une vie tranquille,recevant en sa maison les notables et les beaux esprits de la petite cité , sans jamais oublier la tâche qui lui tient à coeur : soulager la misère matérielle et morale des pauvres .

Privilège royal

On peut donc se demander pourquoi ce médecin réputé s'adonnera par la suite à une activité qui lui est étrangère : le journalisme !
C'est peut-être le hasard et la proximité des lieux qui lui feront ,dès l'année 1609 , rencontrer Richelieu ,qui vient se reposer au Prieuré de Coussay ,et le père Joseph, l' "éminence grise" du cardinal qui séjourne fréquemment à Fontevrault ,à quelques lieues de Loudun. C'est d'abord le souci d'améliorer le sort des pauvres gens qui rapprochera les trois hommes .
Nommé en 1612 "médecin ordinaire" du roi , Renaudot obtiendra la permission d'ouvrir des "bureaux d'adresses" où se rendront les chômeurs en quête d'un emploi et tous ceux qui sont dans le besoin. Mais ce n'est qu'en 1629 que Renaudot pourra profiter pleinement du privilège royal en s'installant à Paris ,rue de la Calandre .

Jusque là, rien que de très normal , l'ouverture des "bureaux d'adresses" étant la suite logique de l'activité humanitaire de Renaudot ,médecin et bienfaiteur des pauvres . Mais Richelieu et Louis XIII ont remarqué les qualités du praticien loudunais ,en qui ils ont placé leur confiance .Pourquoi ne pas aller plus loin? Pourquoi ne pas lui donner une autre mission, celle d' "éclairer" l'opinion publique ? En ces temps particulièrement troublés ,en dedans comme en dehors du royaume ,le roi et Richelieu sont conscients du fait que les Français ont besoin d'être informés et que cette information doit leur être dispensée d'en haut , c'est à dire de Paris .

La "Gazette

La création de la "Gazette" est donc décidée .Le premier numéro du journal paraît le 30 mai 1631. A vrai dire ,il existait déjà des feuilles à cette époque .
Beaucoup étaient étrangères ,imprimées dans les pays voisins .
La France elle-même possédait le "Mercure français" ,vendu en principe une fois l'an .
La nouveauté apportée par la "Gazette" de Renaudot , c'est sa bonne tenue et son excellente rédaction. Elle fournit un résumé mensuel des nouvelles .Le journal sera bientôt diffusé dans le pays tout entier . Son directeur le fera imprimer et vendre dans les provinces ,à Rennes comme à Grenoble , à Toulouse comme à Amiens .
Ainsi ,le succès de la "Gazette" sera assuré puisque les grandes villes du royaume ne seront plus dans l'attente d'information qui ,quelques années plus tôt , leur parvenaient très tardivement .
Dans une édition de Bordeaux de l'année 1639,le journal donne ,par exemple,des nouvelles concernant la Suisse . Elles sont datées de Zurich, du 23 novembre . En voici un extrait :
"Le Nonce qui est à Lucerne a naguère fait entendre en pleine assemblée dans la dite ville ,aux cantons de Svvitz (Schwyz), qu'ils aient à mettre en liberté ceux qu'ils détiennent pour s'être portés contre l'abbé de Hecmittet ou Encilde : sinon,que le pape usera de son autorité spirituelle contre eux ; sur quoi ils n'ont encore rien résolu. Dans cette même Assemblée , les Suisses ,sur les plaintes à eux faîtes par les Chefs et Soldats qu'ils ont dans l'armée du Marquis de Leganez, de ce qu'ils ne sont point payés, sont demeurés d'accord d'y députer,pour lui faire entendre leur dernière résolution ,qui est de rappeler leurs dits soldats ,si dans Noël prochain il ne les contente ."

La "Gazette" a aussi la particularité d'être "inspirée" . Renaudot suit les directives qui lui sont données .En fait ,ce résumé des nouvelles est une sorte d'éditorial où l'on insiste sur ce qui peut être utile à la France ,alors qu'il existe à ce moment-là, un risque réel de guerre fratricide à l'intérieur,et une menace permanente de l'Espagne à l'extérieur .

La "Gazette" n'a pas un fort tirage : environ 1200 exemplaires parisiens en 1638 ,mais sa popularité est grande puisque ,sous le titre de "Gazette de France" ,elle survivra jusqu'en 1915.
L'activité journalistique de Renaudot fut sans doute très importante  mais il devait la tenir pour secondaire, voué qu'il était au service des malheureux. Pourtant, il reste avant tout le créateur de la presse dite gouvernementale et ...de l'action psychologique ,avant la lettre .
Jacques Alibert - 16 septembre 1985




Pour visiter le Musée Renaudot à Loudun, cliquez ici





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Tourisme d'autrefois - La route du Soleil - n°4 :" De Valencia à Alicante"

L'article qui suit est le quatrième et dernier de la série ; il a été écrit par mon père en 1988, et est paru dans le "Journal du Jura" du 28 décembre 1988.


Cliquez sur le lien suivant pour lire le précédent article (n°3) :
La route du Levant : "Comme au temps des diligences"


 
Valencia , la Cathédrale et la Tour du Miguelete (Plaza de la Reina)


La route du soleil : De Valencia à Alicante


La route du soleil

Valencia somnolait sous un soleil de plomb, au milieu de ses palmiers . De grandes avenues modernes entouraient la vieille ville ,dominée par la tour du Miguelete .Le soir,la foule déferlait sur les trottoirs à l'heure du sacro-saint "paseo" ,la traditionnelle promenade de vingt heures .
On sortait les enfants : petits garçons endimanchés et petites filles en robes blanches accompagnées par leur père. On prenait un verre de "horchata" bien fraîche aux terrasses des bars. En petits groupes ,les jeunes gens croisaient les demoiselles,en un incessant va-et-vient .
Installés dans de confortables fauteuils de cuir ,des messieurs à l'air grave lisaient les quotidiens ou bavardaient, (observant la foule des fenêtres de leurs "casinos" ,ces clubs typiquement espagnols où se réunissaient - et se réunissent encore - les "hommes de qualité" de la ville : avocats ,grands propriétaires terriens,pharmaciens ,hauts fonctionnaires ,médecins ) pour tuer le temps en discutant de courses de taureaux ,de football ,de politique et de choses et d'autres ...



Alicante , le port et le château de Santa Bàrbara



Aux portes d'Alicante

La route du Soleil - une fois passée la célèbre Huerta dont les paysans venaient,tous les jeudis matin, devant la porte des Apôtres de la Cathédrale ,soumettre leurs problèmes d'irrigation au Tribunal des eaux - menait ,par Gandia et Benidorm (qui n'était pas encore une célèbre station estivale) jusqu'aux portes d'Alicante ,de Lucentrum , ville de lumière des Romains .
Sous une chaleur écrasante ,l'autocar traversait des orangeraies. La beauté des paysages faisait oublier les cahots du véhicule qui finissait par s'arrêter le long de la célèbre promenade bordée de palmiers , à l'heure du "paseo". Alicante était alors un lieu de vacances pour les pieds-noirs de l'Algérie toute proche . On y entendait parler castillan,valencien et le français d'Oran et de Bab-el-Oued dans les rues et dans les petits restaurants qui servaient une excellente "paella" au safran .


Le Tribunal des eaux de Valence, au pied de la cathédrale. 



L'omnibus de Murcie

Et ,pour conclure ce voyage au Levant , pourquoi ne pas prendre l'omnibus de Murcia pour aller passer une journée dans la Palmeraie d'Elche ? Dans les longs wagons de bois , avec une plate-forme à chaque extrémité ,pareils à ceux des westerns, circulaient de petits marchands de boissons fraîches portant des seaux remplis de petites bouteilles de bière et de jus de fruits, enfouies sous des blocs de glace ; d'autres vendaient des sachets de cacahuètes et des galettes . Tout ce petit monde circulait d'un bout à l'autre du convoi, descendant d'un wagon à chaque arrêt pour monter dans un autre et vantant inlassablement leur marchandise : "A peseta ! A peseta !...Ricos caramelos...gaseosa!" ,dans un espagnol légèrement zézayant ,qui annonçait l'Andalousie ...

Les trains confortables , les autoroutes , les "paradores" et les bons hôtels ont remplacé les convois bringue-ballants ,la tôle ondulée et les pensions à quarante pesetas . Les plages sont désormais saturées de touristes venus de l'Europe entière ,mais vous pouvez encore prendre le "correo" et retrouver l'ambiance amicale des petites pensions dans certains quartiers de Madrid ,de Burgos et de Saragosse .
Pourquoi ne pas redécouvrir ,de temps en temps ,l'ambiance de cette vieille Espagne , souvent inconfortable ,mais si pleine de charme ?

Jacques Alibert

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Cette série s'arrête donc avec ce dernier article . Mon père est mort il y a déjà bien longtemps, en 1990 . Il avait parcouru l'Espagne de l'est à l'ouest ,de Barcelona à Vigo , et du nord au sud ,de San-Sébastian à Gibraltar . Il connaissait sur le bout des doigts ce pays qui était sa seconde patrie et qui le passionnait ,il en était "imprégné" .
Lorsque j'étais enfant , nous allions régulièrement en Espagne pour les vacances de Pâques ,et parfois en été . Lorsque mon père s'exprimait en espagnol ,les autochtones le prenaient pour un Espagnol et lui demandaient de quelle région d'Espagne il venait : il était très fier de ce compliment .Il parlait en effet impeccablement la langue de Cervantes ,mais il était aussi un peu typé , très brun ,et pouvait aisément passer pour un Espagnol.


J'ai conservé de ces nombreux voyages dans l' Espagne de mon enfance de très bons souvenirs ,l'envie de découvrir d'autres pays ainsi que le goût de connaître la façon de vivre de la population du pays que je visite et ses coutumes .
Je retourne très souvent en Espagne, je pense que mon père m'a transmis l'amour de ce pays depuis ma plus tendre enfance. Et ,bien que je n'ai jamais appris à parler la langue espagnole ,je la comprends assez bien ,mes jeunes oreilles en avaient été imprégnées très tôt :)
A chaque voyage en Espagne ,je retrouve le souvenir de mon père ,j'ai la sensation de marcher dans ses pas .



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vendredi 5 août 2011

Tourisme d'autrefois-La route du Levant- n°3 :"Comme au temps des diligences"

L'article qui suit est le troisième de la série ;il a été écrit par mon père en 1988, et est paru dans le "Journal du Jura" du 21 décembre 1988.


Cliquez sur le lien suivant pour lire le précédent article (n°2) :
Voyage à Madrid (1950)- "De la capitale à Tolède"




Saragosse : Notre-Dame-del-Pilar ,symbole de la cité



La route du Levant :"Comme au temps des diligences"


Il y avait en 1951 , un curieux petit train -dit "train minier"- reliant Saint-Sébastien à Pampelune ,capitale de la Navarre .
Ce petit chemin de fer à voie étroite transportait du minerai mais aussi quelques voyageurs dans un wagon pompeusement appelé "wagon-salon". C'était en réalité une ancienne voiture de première classe aux banquettes disjointes et aux vitres plus ou moins étanches laissant passer la fumée et les escarbilles que crachait la cheminée d'une petite locomotive qui trainait ses wagons dans un paysage tourmenté où les tunnels succédaient aux rampes et les ponts aux viaducs .Le petit train dévalait les pentes dans un nuage de suie,à grands coups de sirène ,provoquant la panique sur les pâturages . A l'arrivée à Pampelune, les beaux costumes et les robes des passagers étaient striés de raies sombres que seul le teinturier parvenait à faire disparaître ...

Autobus à trois classes

Le voyageur qui ensuite , souhaitait se rendre à Saragosse , prenait un autobus antédiluvien comprenant trois classes: les "premières" ,à l'avant ,juste derrière le chauffeur, les "secondes" à l'arrière,et les "troisièmes", sur le toit où avaient été installées deux banquettes. On y accédait par une échelle métallique . Les soldats permissionnaires y grimpaient lestement et ,du haut de leur perchoir,  respiraient la poussière de la route jusqu'à leur village natal où,pendant deux ou trois jours,ils reprendraient des forces à la table familiale.
L'autobus,dit "coche de linéa" ,desservait tous les bourgs et villages traversés par la grande route dont le revêtement laissait bien souvent à désirer : les trous succédaient aux trous et , comme les amortisseurs du véhicule n'étaient plus qu'un souvenir ,les voyageurs assoupis se réveillaient brutalement en donnant de la tête contre le dossier du siège devant eux .Il y avait aussi le phénomène de "tôle ondulée",provoqué par un goudronnage de fortune .

Une étape

Après quelques heures d'un voyage pénible, l'arrivée à Saragosse ressemblait à celle d'une diligence au temps d'Isabelle II : voyageurs exténués aux vêtements froissés et poussiéreux, maugréant contre l'état des routes .

Baignée par l'Ebre ,Saragosse , avec ses rues étroites et sombres bordées de hautes maisons ,rappelait tout de suite au visiteur le terrible siège imposé par l'armée napoléonienne, où les habitants firent preuve d'un courage indomptable , forçant l'admiration des généraux de l'empereur .
Dans la basilique de Notre-Dame-del-Pilar ,symbole de la cité, de nombreux fidèles faisaient ,chaque jour ,brûler des centaines de cierges dont les flammes tremblantes illuminaient l'or des autels. A côté des ruelles aux façades noires ,on avait construit une nouvelle ville dont les larges avenues et les immeubles modernes faisaient un contraste saisissant avec ces bâtisses d'un autre âge .

Vertigineuse "micheline"

Saragosse n'était qu'une étape pour qui voulait atteindre le Levant , c'est -à-dire la région de Valence .Il fallait alors emprunter la voie ferrée qui , de l'Aragon ,menait aux rives de la Méditerranée . Une "micheline" assez rapide pour l'époque ,mais qui donnait le vertige , glissait tout d'abord sur des plateaux semi-désertiques avant de s'engager dans la montagne . Ensuite venait la descente vers le littoral ,sur une voie unique courant sous des tunnels et faisant mille courbes , tantôt gracieuses , tantôt serrées .
La "micheline" filait donc bon train. Peut-être allait-elle même un peu trop vite sur cette ligne quelque peu dangereuse ,car il y avait des dames qui se signaient à chaque soubresaut. En ce temps- là ,les Espagnoles devaient être intimidées par les moyens de transport , quel qu’ils fussent ,car bien des voyageuses se recommandaient au Ciel dès qu'un véhicule démarrait !
Et c'était avec soulagement que les passagers voyaient se profiler ,au loin,dans la plaine,les clochers et les tours de Valence .
Pourtant ces difficultés ferroviaires s'expliquaient aisément : la Renfe avait procédé aux réparations les plus urgentes, mais n'avait pu , compte tenu de l'isolement économique de l'Espagne pendant une douzaine d'années , remplacer le matériel détruit ou abimé pendant la guerre civile ,la moitié des wagons et des locomotives de son parc ayant été mises hors d'usage .
Jacques Alibert 





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Tourisme d'autrefois: voyage à Madrid -n°2- "De la capitale à Tolède"

L'article qui suit ,écrit par mon père en 1988, est paru dans le "Journal du Jura" du 14 décembre 1988 .

Cliquez sur le lien suivant pour lire le précédent article (n°1) :
Voyage à Madrid (1950)- "Il faut donner du temps au temps"-




Tolède , l'Alcazar en haut à droite


Voyage à Madrid (n°2) : "De la capitale à Tolède"



Quand le "correo" arrive péniblement à Madrid, les voyageurs fourbus sortent de la gare du Nord et se dirigent vers les taxis .Ce sont ,pour la plupart ,des voitures d'avant la guerre civile .L'Espagne achète alors le moins possible à l'étranger et le propriétaire d'une automobile fait durer celle-ci jusqu'à l'extrême limite . Peu de véhicules dans les rues de la capitale,mais la foule envahit les trottoirs et les terrasses des cafés de la Gran Via ,rebaptisée Avenida de José Antonio. Le taxi longe la Puerta del Sol et s'arrête à deux pas de l'Opéra ,à proximité d'une pension de famille de la Calle del Arenal ,où l'on paie 40 pesetas par jour , chambre et repas compris .

Rompre la glace

La fille de la patronne passe sa journée à tapoter "Madrid! Madrid!" -un chotis (musique et danse originaires de Bohème) à la mode- sur un vieux piano désaccordé . L'immeuble est vieillot mais confortable,les pensionnaires sympathiques . Les repas sont maigres ,l'Espagne étant soumise au rationnement alimentaire :un quart de litre d'huile ,cent grammes de riz, cent grammes de pois chiches,un kilo de pommes de terre par adulte . Comme chaque mois ,les enfants ont droit à des rations plus substantielles, les familles se débrouillent grâce au marché noir, -le célèbre "estraperlo" - alors à son apogée .
A la pension , le petit déjeuner se compose d'une tasse de café "malté" et de deux galettes au goût amer . Aussi, quand l'étranger demande de l'eau chaude pour préparer son Nescafé ,suscite-t-il des regards envieux ,qui deviennent chaleureux quand,faisant le tour de la table , il dépose dans chaque tasse une petite cuillerée de poudre odorante . La glace est rompue .

La capitale se prélasse au soleil. Le matin,quand on se penche à la fenêtre des maisons voisines ,montent des airs de "zarzuelas", ces comédies musicales typiquement espagnoles dont le pays est friand depuis le 19è siècle .Madrid revit,et les seules traces de la guerre sont visibles aux alentours de la Cité universitaire et à la périphérie de la ville . Au coin des rues ,à longueur de journée ,le vendeur de billets de loterie psalmodie : "Para hoy!" (tirage aujourd'hui), le "cerillero" vend les cigarettes à l'unité aux terrasses des cafés ,et le "limpiabotas" fait briller pour une peseta ,le cuir des chaussures poussiéreuses . Dans les lieux publics ,des écriteaux préviennent les gens qu'il est interdit de blasphémer ...

A Tolède

Comme une visite à Tolède s'impose ,on prend le "corréo" d'Andalousie à la gare du Midi. Le train met une heure et demie pour parcourir les 70 kilomètres séparant Madrid de la ville du Gréco . Devant l'entrée de la station attendent les omnibus des hôtels : voitures d'un autre âge ,tirées par de magnifiques chevaux au poil bien lustré . L'un des équipages est remarquable par son postillon botté et coiffé d'un noir chapeau haut de forme . Les voyageurs gagnent les voitures qui lentement ,montent la rampe menant au centre de la vieille cité . Celle-ci n'a pas changé depuis des siècles avec ses rues étroites et ses petites places où pénètrent à peine les rayons d'un soleil brûlant .
Les ruines de l'Alcazar témoignent de l'âpreté des combats en 1936 ,mais Tolède reste immuable , ceinturée par le Tage aux eaux verdâtres ,au milieu des terres ocres inondées de lumière .L'imagination aidant ,le voyageur a l'impression de remonter le temps,quand ,sept siècles auparavant , Tolède était la capitale des Juifs d'Espagne ,ville active et savante où les diverses communautés vécurent en paix jusqu'à la fin du 15è siècle .
Sous les fenêtres de l'hôtel,les gens parlent ,rient et chantent. La nuit tombe lentement sur Tolède et je pense à un vieux marchand juif dont les ancêtres expulsés d'Espagne après 1942 ,se réfugièrent en Bosnie et continuèrent ,en famille ,à parler l'espagnol. Le vieux Juif de Sarajevo avait conservé précieusement une clef rouillée qu'il me montra en disant : "Regardez cette clef ! C'est celle de notre maison ,à Tolède !"
Jacques Alibert





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Pour ceux qui viennent visiter Madrid , un site à recommander : http://www.tsmadrid.com/